Extrait

Sam de François Blais

« J’ai pour mon dire que dans un coin où une personne sur deux s’appelle Gélinas, c’est bien la moindre des choses qu’on ait baptisé quelques rues de ce nom. Il y a une rue Gélinas à Saint-Élie-de-Caxton, à Saint-Boniface, à Saint-Barnabé, à Charette et à Yamachiche. À chaque fois, la Commission de toponymie reste dans le flou, se réfugiant derrière son fameux : “La Commission de toponymie n’a pas diffusé de renseignements sur l’origine du nom, sa signification ou sur la raison pour laquelle on l’a attribué au lieu, etc. ”, comme ça tout le monde peut se faire accroire que la rue Gélinas se nomme ainsi en l’honneur de l’un de ses aïeux. Quand tu portes un nom de famille rare, par contre, et qu’il y a une rue ou une institution à ce nom dans ta municipalité, là tu peux vraiment faire ton frais. »

Biblio

La femme idéale

Sam

François Blais

L’instant même

192 pages

3 étoiles et demie

La mystérieuse S est une antihéroïne typique de François Blais : asociale, cassée, négligée, amatrice de junk food et lectrice boulimique. Pour le narrateur de ce roman, qui tombe sur son journal intime au fond d’une boîte, celle qu’il surnomme Sam est la femme idéale. À partir des indices placés dans le journal de S, il se lance sur les traces de la jeune femme, de Saint-Sévère à Limoilou puis Parent, enquête qu’il commente en interrompant parfois le récit. On plonge dans cette mise en abyme comme dans n’importe quel livre de François Blais : avec un immense sourire, épaté par l’éclectisme de ses intérêts – il réussit à parler autant
de la littérature québécoise du XIXe siècle que du fonctionnement de la Commission de toponymie, du journal de l’artiste ukrainienne Marie Bashkirtseff que de la définition d’un œil-de-bœuf. Foisonnant, drôle et sans censure, ce jeu fictionnel peut être déstabilisant et légèrement décevant avec son punch qu’on finit par deviner. Mais même si on a l’impression que François Blais s’est un peu reposé après l’écriture de son roman choral La classe de madame Valérie, Sam procure des moments de jouissance littéraire qu’il ne faut surtout pas bouder. — Josée Lapointe, La Presse

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